Biodégradable, c’est bien, non?

Avec les Oxo-biodegradable & recyclableconsciences écologiques qui s’éveillent, de plus en plus d’entreprises tentent d’offrir des options plus écoresponsables à leurs clients, dont des contenants, des emballages et des ustensiles biodégradables. C’est bien, non? Eh non! Découvrez ici pourquoi le « biodégradable » de nos jours c’est une fausse bonne idée et qu’il faut l’éviter.

Mythe sur la décomposition

On a souvent l’intuition tout à fait naturelle que quelqu’un chose qui se décompose est meilleur pour l’environnement que quelque chose qui ne se décompose pas. Non seulement ce n’est pas aussi simple, mais c’est surtout l’inverse quand on parle de ce qu’on envoie à la poubelle…

Dans les sites d’enfouissement (communément appelés « dépotoirs »), la décomposition se fait sans oxygène, car tout est très compacté, et c’est ça qui fait toute la différence car ce type de décomposition (anaérobique) génère deux types de contamination :

  • du méthane : un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2 qui peut s’échapper du site et contribuer aux changements climatiques (soit le problème environnemental le plus criant actuel et pour les générations à venir)
  • du lixiviat : du jus de poubelles concentré et très toxique qui peut fuir du site et contaminer les sols et les eaux aux alentours.

Ainsi, dans un site d’enfouissement, quelque chose qui ne se décompose pas ou très peu (comme le plastique conventionnel et le verre), c’est moins polluant que quelque chose qui se décompose comme la matière organique (résidus alimentaires, résidus verts, etc.). Eh oui! Dans le dépotoir, l’infâme styromousse pollue moins que l’innocente pelure de banane! 

Maintenant que ceci est dit, il faut savoir que « biodégradable » ne signifie fort probablement pas ce que vous pensez. (À noter que je parle uniquement d’objets solides dans cet article, et non pas des liquides comme les produits nettoyants qui peuvent être qualifiés de biodégradables et là c’est complètement un autre sujet.)

Biodégradable, oxo-biodégradable, dégradable

EPI 100% degradable Oxo-biodegradable

Ces appellations veulent la plupart du temps dire que le produit est fait de plastique conventionnel auquel un additif a été ajouté pour qu’il se désagrège en micro particules sous certaines conditions et avec le temps. Le préfixe « oxo » veut simplement dire qu’une condition nécessaire à la dégradation est la présence d’oxygène, donc ça n’arrivera pas ou peu dans les sites d’enfouissement.

Le SEUL « avantage » de ce type de plastique est que, quand il se retrouve dans la nature, ça ne fait pas de déchets entiers avec lesquels les animaux peuvent se blesser ou s’étouffer. On peut penser à la tristement célèbre tortue avec la paille dans le nez. Ça fait aussi moins de pollution visuelle une fois que c’est tout « dégradé ». Par contre, ça fait des micro-particules de plastique dans la nature, et on commence à découvrir que ça pourrait aussi être néfaste.

Donc on fait quoi avec ça? On les évite le plus possible. Si on en a :

  • NE PAS mettre au compost puisqu’ils vont relâcher des particules de plastique en se dégradant et contaminer le compost
  • NE PAS mettre au recyclage, même si c’est du plastique numéroté! Au recyclage, ces produits se mêlent aux vrais plastiques et dégradent la qualité du produit recyclé.
  • JETER à la poubelle est la seule bonne manière d’en disposer et ils n’auront pas vraiment plus ou moins d’impacts négatifs qu’un sac de plastique conventionnel.

Compostable, c’est mieux?

Logo BPI Logo BPI

Oui… mais! « Compostable » signifie en fait que le produit est composé à 100% de matière organique et qu’il ne va donc pas relâcher de contaminants dans la nature en se décomposant. Le terme est contrôlé quand il est question de plastique, le produit doit donc être certifié compostable (certification BPI, comme les logos ci-contre). Si le terme compostable n’est pas accompagné d’une certification, on ne peut malheureusement pas faire confiance que ce soit vrai.

Les plastiques certifiés compostables sont donc bel et bien compostables, mais ça leur prend des conditions « industrielles » de compostage pour permettre leur dégradation complète. En effet, ils ne vont généralement pas ou peu se décomposer dans un compostage domestique.

Donc on fait quoi avec ça? 

  • Envoyer dans une collecte de compost municipal si vous y avez accès
  • Jeter à la poubelle si vous n’avez pas accès à une collecte de compost municipal (où ils n’auront aucun effet bénéfique, voire des effets néfastes)
  • NE PAS mettre au recyclage, parce que ça dégrade aussi la qualité des matières recyclées

Bref, les produits en plastique compostable ne servent absolument à rien si vous n’avez pas accès à une collecte de matière organique municipale. Une entreprise qui veut choisir le meilleur contenant/emballage ne devrait choisir le compostable que si tous ses clients ont accès à une collecte municipale, ce qui n’est le cas à peu près nulle part actuellement.

Conclusion : le meilleur déchet est celui qui n’est pas généré!

Eh oui, ça demeure encore et toujours la meilleure solution quand les autres sont toutes très imparfaites, voire néfastes. Voici donc les règles générales.

Pour tout le monde :

  • Favorisez toujours les produits/contenants réutilisables
  • Évitez toujours le plastique (oxo)(bio)dégradable

Pour celles et ceux et qui n’ont pas accès à une collecte municipale de matière organique :

  • Éviter toujours les plastiques compostables
  • Favoriser les plastiques recyclables (avec sigle numéroté de 1 à 7, excluant le 6 en général) ou autres matières recyclables (même si on sait que le recyclage n’est vraiment pas parfait)

Pour celles et ceux qui ont accès à du compostage (domestique ou municipal) :

  • Favorisez les produits/emballages/contenants faits de carton (non plastifié et idéalement recyclé) plutôt qu’en plastique compostable. C’est particulièrement pertinent dans le cas de la vaisselle jetable si vous ne pouvez pas avoir de la vaisselle réutilisable.

[Ajout] Pour les sacs à déchets

Sachant que les sacs biodégradables et compostables n’ont aucun avantage lorsqu’ils sont envoyés dans les sites d’enfouissement, il y a peu d’alternatives intéressantes pour les sacs à déchets.

La solution la plus simple et accessible est de réutiliser des sacs (conventionnels ou biodégradables) que vous avez obtenu de toute manière pour au moins leur donner une autre et dernière utilisation. Si vous n’avez aucun sac à réutiliser et que vous devez en acheter, regardez s’il y a en faits en plastique recyclé, c’est déjà mieux.

Mais surtout, rappelez-vous que le sac que vous utilisez pour votre poubelle ne représente pas grand-chose en quantité de déchets comparativement au contenu de votre poubelle. Concentrez-vous donc à réduire la quantité de choses que vous jetez plutôt que de vous casser la tête avec le sac. De toute façon, en réduisant votre quantité de déchets, vous réduisez automatiquement la quantité de sacs jetés, c’est donc gagnant de tous les côtés!

Autres références sur le sujet :

http://espacepourlavie.ca/blogue/compostable-ou-biodegradable

http://vieenvert.telequebec.tv/sujets/578

https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/municipalites/matieres-organiques/residus-verts/documents-outils-pratiques-planification/guide-utilisation-sacs


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10 commentaires sur “Biodégradable, c’est bien, non?

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    1. Oui je sais que ce n’est vraiment pas facile de s’y retrouver dans ce monde de la consommation rempli de greenwashing. La solution la plus simple est encore et toujours la réduction à la source, soit utiliser des contenants et sacs réutilisables et éviter le plus possible le jetable (à usage unique). 🙂

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  1. Sauvez les plastiques conventionnels! Si on jettait à la mer des plastiques en amidon comme on fait pour les plastiques, la mer serait une crème à l ´amidon. Reemployer les plastiques sales,les lavés avec du savon, jetter des couches dans de sacs qui pourrissent…..Ce n´est pas la solution. Couper des arbres ,pour utiliser la cellulose ce n´est pas une solution non plus.

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  2. Merci pour cet exposé! Je travaille dans l’industrie de l’emballage et je me rends compte qu’il y a énormément d’éducation à faire, même chez les gens qui veulent être très écolos. C’est difficile de leur faire accepter qu’une bouteille en plastique standard, recyclable est l’option la plus verte pour eux. Cet article m’aidera surement à en convaincre quelques uns.

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  3. J’aimerais compléter cet article en disant que beaucoup de municipalités n’acceptent pas les bioplastiques certifiés compostables dans leur collecte des matières compostables.

    Je suis en train de faire une analyse critique pour un cours universitaire sur les bioplastiques et leur gestion en fin de vie. J’ai appelé à plusieurs centres de compostage et municipalité dont EBI qui traite les matières compostables de l’Est de Montréal. Ceux-ci m’ont dit que leur processus se fait sur une période trop courte et que les bioplastiques n’ont pas le temps de se décomposer suffisamment. Au final, ils sont enlevés. Sherbrooke les acceptes, mais pas Chambly ou St-hyacinthe par exemple.

    Également, il faut faire attention en comparant les plastiques biodégradables et les plastiques oxo-dégradables. Ce ne sont pas du tout la même chose. Les plastiques oxo-biodégradables sont des plastiques avec des additifs comme vous le décrivez. Cependant, il existe une panoplie de plastiques biodégradables différents dont beaucoup sont des bioplastiques biosourcés, dont le PLA. Ça ne les rends pas meilleurs que les autres et vont à la poubelle au final. Mais reste qu’il y a une distinction à faire. Certains plastiques biodégradables pourront éventuellement obtenir une certification compostable tandis que jamais un plastique oxo-biodégradable pourra obtenir cette même certification.

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    1. Très bon point concernant le traitement des sacs compostables par les compagnies de compostage. Ça semble particulièrement problématique à Montréal alors que la Ville encourage l’utilisation de sacs compostables mais que la compagnie qui traite les matières dit ne pas les accepter. Étant donné les avantages des sacs pour les citoyens, il me semblerait préférable d’exiger aux compagnies de compostage d’adapter leurs procédés pour que ça fonctionne plutôt que de refuser les sacs. Si ça fonctionne ailleurs et que c’est bénéfique pour la participation de la population, pourquoi faire autrement? Je serais curieux d’avoir plus de justifications de la part de EBI.

      Pour ce qui est de votre autre point, je mets en garde contre l’allégation « biodégradable » puisque ce terme n’est pas contrôlé et est aussi utilisé sur des produits qui ne sont pas des bioplastiques biosourcés. Voici un exemple parfait : https://www.natursac.com/fr/. Et au lieu d’utiliser le terme « bioplastique » qui pourrait facilement porter à confusion pour les consommateurs, je préfère utiliser le terme « certifié compostable » puisque c’est le seul terme contrôlé et qu’il faut de toute manière éviter les produits qui n’ont pas cette certification.

      Merci pour votre commentaire! J’en ai profité pour mettre à jour mon article. 🙂

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  4. Au chapitre de la vaisselle jetable, qu’en est-il de la vaisselle de carton (non plastifiée). D’un côté, si elle n’est pas souillée elle peut être recyclée. De l’autre, lorsqu’elle est souillée elle atterri au Lieu d’enfouissement technique et génère des GES. La vaisselle en no 6 est-elle le meilleur choix dans ce cas précis?
    (PS Je connais l’analyse de cycle de vie faite au sujet des verres/tasses à café et je sais que le lavable est de loin le meilleur choix).

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